Le 11 décembre 1960, les manifestants d’Alger préféraient l’« Algérie musulmane » au projet gaullien d’« Algérie algérienne » en scandant : « Vive Ferhat Abbas ». Cette « insurrection musulmane » fit du président du GPRA le dirigeant algérien le plus connu dans le monde et suscita le besoin d’en savoir plus sur sa « courbe de vie ».
Moins d’un an après, Amar Naroun (1908-1988) publia chez Denoël la première biographie de ce précurseur du journalisme politique musulman. Il le présenta comme un khaledien plus énergique que les « Jeunes Algériens » devenus inaudibles par excès de modération. Il retraça son combat pour l’égalité des droits dans les années 30 et expliqua son passage au nationalisme fédéraliste dans les années 40. Naroun étudia l’évolution de ce produit de l’école française qui défendait les droits de l’Islam et de la langue arabe et crut aux possibilités d’une émancipation pacifique avant de soutenir la lutte armée. Sa connaissance personnelle de Ferhat Abbas l’autorisa à imputer cette « radicalisation » aux blocages coloniaux.
Cette première biographie garde toute sa valeur même après la parution d’autres ouvrages écrits par Abbas ou rédigés sur lui par des auteurs certes érudits, mais parfois mal débarrassés de fâcheux présupposés idéologiques. La présente réédition ajoute à la biographie de 1961 des documents d’archives permettant une connaissance plus complète de cette grande figure algérienne. Elle permet également de sortir de l’oubli Amar Naroun qui a été un acteur important de l’histoire franco-algérienne.